ATTENTION (!)
Les deux protagonistes sont projetés dans un espace labyrinthique, dans l’attente d’y trouver une issue. Il leur faut chercher à habiter cet espace, à y tracer leur propre chemin en y confrontant leurs singularités. Le labyrinthe est aussi une évocation des sociétés de contrôle contemporaines qui s’apparentent de plus en plus à des immenses enchevêtrements de réseaux virtuels complexes où se dissolvent les corps.
Cette performance réunissant une danseuse, un musicien et des projections vidéo est pour nous l’occasion de questionner la notion d’attention comme condition d’une rencontre entre l’espace sonore et l’espace chorégraphique au travers d’un dispositif évoquant le labyrinthe. Ce labyrinthe est plus une structure imaginaire qu’un simple découpage de l’espace. Il est là pour me protéger ou m’enfermer mais il est aussi le lieu d’une rencontre impromptue, le lieu d’un voyage, d’une quête, d’une lutte. Lieu de solitude, de recherche d’unité et d’élévation mais encore espace d’opposition et de composition avec l’Autre – l’occasion de saisir ce fil tendu entre des corps sensibles.
Mais quelle attention doivent-ils produire pour se délivrer de ce dédale ? Attention à quoi ou à qui ? Attention au dispositif prêt à les dévorer ? Attention à l’Autre, celui qui partage ce même espace mais dont les intentions leurs sont étrangères ? Et si cet Autre (le son, le geste, le corps…) pouvait être la source d’une imagination renouvelée, le lien qui nous mène à des couches de subjectivité hors d’accès ? Ainsi, peut-être est-ce en prenant soin de soi-même en intensifiant cette attention que l’on s’appréhende soi-même comme un autre et que cette attention à l’Autre nous humanise, nous civilise.
L’envie de travailler autour de la figure du labyrinthe et sur le concept d’attention est née de la puissance d’évocation de cette étrange construction humaine. Au-delà du mythe connu de tous, l’espace labyrinthique peut se concevoir comme une expérience du réel. Chacun de nous ne cesse d’en faire l’expérience lors de nos trajets quotidiens. Nous empruntons des routes aux tracés complexes pour nous rendre dans des lieux connus ou inconnus en risquant parfois de nous perdre, voir d’y laisser notre vie. Le monstre est là, tapi dans un repli du possible, surgissant dans un moment d’inattention, profitant de cet instant d’oubli pour apparaître dans ce que l’on nomme l’accident.
Ce labyrinthe peut aussi être la représentation d’un rapport au monde, un monde métamorphosé en un véritable dédale d’espaces réels et virtuels entrelacés les uns dans les autres. Il nous faut chercher une manière de s’orienter, en essayant de donner un sens à ce maelström monstrueux d’informations. Mais sommes-nous encore capables d’accepter ces moments d’attente, d’attention, où se forme toute véritable réflexion critique ?
De la même manière, cette figure est aussi l’évocation d’un rapport à soi-même et à son corps. Ne sommes-nous pas constitués d’un formidable labyrinthe formé par ces milliards de réseaux sanguins, musculaires ou neuronaux ? Et combien de temps passons nous à tenter de retrouver le fil de souvenirs et de sensations perdus ?
L’épreuve du labyrinthe peut se jouer au coeur même de notre mémoire. Il nous faut alors construire une fiction qui nous singularise, suivre son propre chemin et trouver la force d’oublier en toute conscience ce qui ne constitue pas notre identité profonde. “Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux” (Guy Debord). Dès lors, atteindre le centre, c’est peut-être accepter de se perdre pour mieux se retrouver, mais ne jamais lâcher le fil du temps qui relie notre passé à notre futur. Au final, se souvenir de ce que l’on a réellement vécu, c’est aussi savoir d’où l’on vient pour finir par choisir librement notre propre porte de sortie.
Semaine 1
Silence
Corps froids
Pluie, soufflerie
Peser les frontières
Le regard implacable de l’objectif
Mémoire infaillible à l’écran
Que faire de ce fil ?
Enrouler
Tenir, résister
Improviser
Le son
Le geste (instrumental ?)
Chercher l’équilibre
Oublier le son
Porter le son…lourd
Déplacer le son, aller à sa rencontre
Le souffle, encore et toujours
Que faire de ce corps résonant ?
Le manche, la tête, le corps, des cordes
Cacher, offrir, reprendre
Inconfort, fatigue
Paroles, croquis
Trajectoires, vitesses, spirales, miroirs
Encore ce fil qui s’emmêle
Sol noir
Chaleur, enfin !
Stases, chutes, torsions
Le fil…là, une porte !
Tourner, marcher
Contacts, appuis, luttes
Défigurer…voilà la bête
Tourner encore, chuter puis se relever
Retrouver le chemin, l’abandonner, l’oublier
S’en souvenir maintenant
Le son, à deux cette fois
Espace clos, construire des boucles…comment et pourquoi ?
L’envol, la fuite
Finir